Il n’y a pas si longtemps, et à la demande d’un lecteur de ce blog, j’expliquais comment en appliquant la directive TVA, les acquéreurs de yachts en France pouvaient réaliser des économies substantielles sur la TVA (à savoir ne pas la payer) (ici). Globalement, on peut dire que le législateur français est assez réactif pour inventer une parade- souvent d’une étonnante complexité- à chaque organisation qui permet d’optimiser la fiscalité. Lorsqu’il n’y a pas de réaction, comme ici, ce n’est pas par incompétence du législateur (ou du gouvernement): c’est que les divers groupes de pression qui gravitent autour de Bercy obtiennent gain de cause. Entendons-nous, il est tout à fait normal, dans un système démocratique de faire valoir son opinion. En ce qui concerne les yachts, par exemple, il faut reconnaître que la construction navale est un secteur primordial pour l’économie française: il mérite l’oreille attentive et bienveillante de notre gouvernement. Il est normal dans une démocratie de décider qu’un petit régime fiscal de faveur est de nature à soutenir une économie qui en a besoin: après tout, les gens que vous voyez sur des énormes yachts ne sont que de simples preneurs d’une prestation de transport assurée par une société qui leur appartient (ou pas….)
Politiquement, la loi française est plutôt amusante: il faut quand même être génial, dans le contexte actuel, pour convaincre un gouvernement, qu’il est utile à l’économie de soutenir le pouvoir d’achat des acquéreurs de yachts
Surtout, la TVA est un impôt européen, c’est-à-dire normalisé par des directives européennes. La France doit, pour réglementer sa TVA, de la même manière que les autres Etats, appliquer les règles issues de la directive. Le législateur français ne peut, sous couvert d’une interprétation libérale d’une directive, accorder à certains, ce que la loi européenne interdit.
Ceci explique le Communiqué de Presse de la Commission Européenne suivant (ici) :
La Commission a décidé de saisir la Cour de justice au sujet de l’exonération de TVA appliquée par la France à certaines opérations concernant les bateaux en violation du droit de l’UE.
La directive TVA autorise, dans certaines conditions, l’exonération de TVA pour la livraison de biens destinés à l’avitaillement des bateaux affectés à la navigation en haute mer ainsi que les livraisons, transformations, réparations, entretiens et locations de ces bateaux.
Or la législation et la pratique administrative française va au-delà de ce qui est prévu par cette Directive et applique une exonération de TVA aux bateaux assurant un trafic rémunéré de voyageurs ou utilisés pour une activité commerciale, sans exiger qu’ils soient affectés à la navigation en haute mer.
La Commission a officiellement invité la France à modifier sa législation dans un délai de deux mois en mars 2010 (IP/10/296). Cette demande a été adressée sous la forme d’un avis motivé, qui constitue la deuxième étape de la procédure d’infraction. Dans les deux mois de l’avis motivé, aucune modification de la législation française n’a été effectuée.
Par cet exemple, on voit toute la complexité du fonctionnement de l’Europe:
- des règles communes, mais des Etats qui les tirent à leur avantage (supposé…).;
- une commission qui vieille, mais sans réel moyen de pression;
- un parlement et des citoyens déconnectés des enjeux pratiques que véhiculent les normes en question;
Ainsi, le succès de Montebourg aux primaires, le recours en manquement contre le régime fiscal de TVA sur les yachts, conduit à une seule conclusion : c’est le moment d’acheter son yacht… histoire, pour certains, de se préparer à prendre le large …
Source : Stanislas Lhéritier
http://www.memento-patrimoine.com/2011/10/faut-il-se-depecher-dacheter-son-yacht.html